

La banque centrale suisse ramène son taux directeur à 0%, sans franchir le pas du taux négatif
La banque centrale suisse a ramené jeudi son taux directeur à 0% face à la faiblesse de l'inflation en Suisse et aux perspectives "assombries" pour l'économie mondiale, mais s'est abstenue de franchir le pas du taux d'intérêt négatif.
Depuis plusieurs mois, les économistes s'interrogent quant à savoir si la Banque nationale suisse (BNS) va revenir à un taux d'intérêt négatif, comme cela avait le cas en Suisse pendant sept ans entre 2015 et 2022.
Cet instrument l'avait aidé à endiguer les poussées de fièvre du franc suisse, mais a laissé un souvenir amer notamment aux épargnants et caisses de retraites.
"En abaissant aujourd'hui notre taux directeur à 0%, nous le fixons à la limite du territoire négatif", a déclaré Martin Schlegel, le président de la BNS, lors d'une conférence à Zurich.
Il s'agit d'un instrument important "en période exceptionnelle", a-t-il ajouté. Mais repasser à un taux d'intérêt négatif est une décision qui ne se prend pas "à la légère", a-t-il insisté lors d'une conférence de presse à Zurich. La BNS a "conscience" des "effets secondaires non souhaités", a souligné M. Schlegel.
L'écrasante majorité des économistes s'attendaient à ce que la banque centrale suisse ne franchisse pas tout de suite le pas et attende d'en savoir plus sur les droits de douanes dits réciproques aux Etats-Unis à partir de juillet.
Mais plusieurs éléments en amont de sa réunion de politique monétaire suggéraient que la probabilité de revenir à un taux négatif continue de s'accroître.
Début juin, le département du Trésor aux Etats-Unis a ajouté la Suisse à sa liste de surveillance des pays susceptibles de manipuler leur monnaie, ce dont la BNS s'était vigoureusement défendue.
Elle avait rappelé que ses interventions ponctuelles sur les marchés des changes, qui complètent ses décisions sur les taux d'intérêt, ne sont qu'un des outils à sa disposition pour assurer la stabilité des prix, et non une manière indue d'accroître la compétitivité de l'économie suisse.
Mais de nombreux économistes s'étaient interrogés quant au risque que sa marge de manoeuvre s'en trouve rétrécie.
Autre élément: l'inflation est particulièrement faible en Suisse, l'indice des prix à la consommation étant même tombé en terrain négatif en mai, à -0,1%.
Jeudi, la BNS s'est cependant de nouveau dite prête à intervenir "au besoin" sur le marché des changes et à adapter sa politique monétaire "si nécessaire".
- grande incertitude -
Elle a également abaissé sa prévision d'inflation pour 2025 à 0,2% (contre 0,4% auparavant) et à 0,5% pour 2026 (contre 0,8% précédemment). Sa prévision de croissance est par contre restée inchangée, avec une progression du produit intérieur brut (PIB) attendue entre 1% et 1,5%.
Dans son scénario de base, la BNS prévoit "un ralentissement de l'économie mondiale au cours des prochains trimestres", avec une inflation qui "devrait augmenter aux États-Unis". En Europe, elle table en revanche sur "une nouvelle baisse de la pression inflationniste".
Mais ce scénario est "entouré d'une grande incertitude", a précisé la BNS dans le communiqué détaillant sa décision trimestrielle de politique monétaire, alors que "les barrières commerciales, par exemple, pourraient encore augmenter et freiner plus fortement l'économie mondiale".
Le taux d'intérêt négatif est un instrument exceptionnel pour les banques centrales, mais la BNS en avait fait le pilier de sa politique monétaire entre 2015 et 2022. Car la particularité du franc suisse est qu'il s'agit d'une valeur refuge, comme le yen japonais, l'or ou les emprunts allemands.
Ce taux négatif a pour effet de renchérir le coût des dépôts, ce qui avait aidé la BNS de lutter contre la surévaluation de sa monnaie, derrière laquelle les investisseurs se réfugient en cas de grandes incertitudes économiques ou tensions géopolitiques.
Mais ce taux négatif avait également eu des effets défavorables pour l'épargne, puisque les banques l'avaient en partie répercuté sur les gros dépôts de leurs clients, ce qui en pratique revenait à ponctionner des frais plutôt que de rémunérer leur épargne. Il avait également pénalisé les caisses retraite, notamment au niveau des rendements des placements obligataires, et fait craindre une surchauffe du marché immobilier.
F.Villa--MJ